1775 - La Révolution américaine fait partie de ces nouveaux wargames à la croisée des jeux de plateau que certains appellent les "wateaux". Ils appartiennent à la famille des wargames car ils permettent de reproduire un événement historique particulier, mais sont très proches des jeux de plateau par la simplicité de leurs règles.

Dans 1775 - La Révolution américaine, vous allez prendre part à la Guerre d'indépendance américaine qui dura près de huit ans de 1775 à 1783. Le jeu présente quatre factions : Les Patriotes et l'Armée régulière continentale pour les insurgés, et l'Armée britannique et les Loyaliste pour l'Angleterre. Le jeu est de fait jouable jusqu'à quatre joueurs, chacun prenant une faction, ou bien à deux, chacun ayant les deux factions du même camp.

Une partie se déroule sur huit tours ou moins, le but étant à la fin d'avoir plus de colonies que l'adversaire. Un tour d'un joueur est très simple, et se décompose en trois phases, une phase de renforts (où le joueur place ses nouvelles armées et ses troupes précédemment en fuite dans les villes des provinces qu'il contrôle), une phase de mouvements (en jouant une carte qui définit combien d'armées peuvent se déplacer et le nombre de zones qu'elles peuvent parcourir) et une phase de combats (résolue par des jets de dés).
Concernant les cartes Action. Au début de son tour, un joueur a trois cartes en main. Parmi ces cartes, la plupart concerne des ordres de Mouvement, et il y a quelques cartes Événements qui pourront être jouées lors de certaines phases pour apporter des éléments de surprise (mais toujours en rapport avec des faits historiques).
Pour les combats, les joueurs lancent les dés successivement, en commençant par le défenseur. Chaque faction a ses propres dés (en nombre limité), pour rendre compte de ses qualités au combat. Ceci offre l'avantage de coller à la réalité, sans être trop complexe. Les différents résultats possibles sont : élimination d'une unité ennemie, fuite d'une unité de la faction représentée par le dé, et manœuvre qui offre la possibilité de se retirer dans un territoire (neutre ou ami) voisin (très utile pour battre en retraite tout en empêchant l'ennemi de contrôler la colonie). Evidemment, les troupes anglaises ne fuient jamais (3 faces "élimination" et 3 faces "manœuvre" alors que les Patriotes et les Loyalistes ont une chance sur trois de décamper !).
Pour contrôler une Colonie, il faut qu'il n'y ait plus qu'un seul camp présent sur l'ensemble des territoires la composant. Les Indiens sont neutres, tant qu'ils sont seuls dans un territoire. Mais bien évidemment, les différentes factions peuvent les rallier à leur cause en leur envoyant des troupes. Dans ce cas, les Indiens se rallient automatiquement.
Enfin, l'aide étrangère (troupes françaises et hessoises) est présente dans le jeu sous la forme de cartes Événement.

L'intérêt du jeu tient dans sa règle ultra simple qui assure des parties toujours fluides et rapides. Les joueurs ne se posent jamais de question et après la première partie, le livret de règles ne servira plus (épatant pour un wargame !).
La résolution des combats est également très simple, et la présence des dés permet de garder quelques surprises. On assiste aussi parfois à des comportements bizarres, avec par exemple deux unités Loyalistes qui vont réussir à tenir pendant plusieurs tours de combat en éliminant à chaque fois des unités adverses, et puis d'un coup, alors que la victoire est à portée, hop elles fuient ! Je ne vous ferai pas l'affront de vous dire que globalement les chances s'équilibrent au cours d'une partie, vous le savez déjà ^ ^.
La richesse du jeu tient surtout à la difficulté de maintenir suffisamment ses positions pour s'assurer une victoire franche. En effet, le contrôle des colonies n'est jamais acquis et on assiste à de nombreux rebondissements. Et je n'ose parler de l'opportunisme dont chacun devra faire preuve pour, par exemple, priver le joueur Britannique du contrôle de la Nouvelle Écosse ou du Québec juste en envoyant quelques troupes Continentales par bateau. Ce type de manœuvre permettant de gagner du temps sur le reste du front, et d'empêcher l'arrivée de troupes fraîches à cet endroit de la carte.
Car oui, le contrôle des Colonies n'importe pas seulement pour le calcul des points de victoire, mais aussi, et surtout, lors de la phase de Renforts pour amener de nouvelles troupes qui pourront poursuivre les combats dans les territoires ennemis avoisinants. C'est donc un élément stratégique fort qu'il ne faudra pas négliger !

Je n'en ai pas encore parlé, mais la fin de partie peut intervenir avant la fin du huitième tour, si un camp a joué les deux cartes Trêves de ses factions. Ces cartes, peuvent être jouées pour plusieurs raisons ; parce qu'elles sont assez fortes (elles permettent de déplacer de nombreuses armées), parce que le joueur dispose d'une avance qu'il juge confortable (mais attention à ne pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué...), ou bien parce que le joueur n'a pas le choix et c'est la seule carte Mouvement qu'il a en main. Et oui, ce dernier point arrive plus souvent qu'on le pense, et représente bien les aléas politiques et diplomatiques qui ont lieu en dehors du conflit sur le champ de bataille.
Cela m'amène à parler du choix parfois limité qu'a un joueur à son tour car il a des cartes Événement en main qui ne sont pas intéressantes à jouer (comme par exemple Colonel Louis pour l'Armée continentale en début de partie) et qui peut l'obliger à jouer prématurément une carte Trêve. Malheureusement, dans ces situations là, le joueur ne pourra pas faire grand chose, et la règle du jeu n'amène aucune solution.

La dynamique du jeu vient aussi du tirage aléatoire de l'ordre de jeu des factions à chaque tour. Cela contraint les joueurs à bien optimiser leurs actions, et à toujours chercher à conforter leurs positions, pour éviter les conséquences d'une contre-attaque. Bien entendu, cela engendrera aussi certains frustrations, car parfois le tirage de votre faction n'arrivera vraiment pas au bon moment. C'est aussi ça les incertitudes de la guerre... ;o)

Au niveau de la rejouabilité, elle est assez bonne. Notamment car la carte est assez grande, la situation de départ suffisamment riche, et les cartes en main en début de partie varient beaucoup. Ajoutez à cela des factions bien différenciées (vous pensez maîtrisez les Britanniques ? Que diriez-vous de jouer maintenant les insurgés ?), et la présence de plusieurs scénarios dans la boîte (un scénario d'initiation, celui de la guerre d'indépendance proprement dite et un autre pour joueurs experts sur le Siège de Québec de fin 1775 avec des cartes spéciales).
Bref, vous n'êtes pas prêts de vous ennuyer. Et la courte durée des parties fait que vous sortirez assez facilement le jeu (et plus souvent que vous ne le croyez).

Au milieu des productions allemandes (et françaises) toutes plus mécaniques et plus froides les unes que les autres, j'avoue que l'arrivée de 1775 - La Révolution américaine est rafraîchissante grâce à son thème fort, et la richesse de ses choix (stratégiques ou pas) tout en sachant conserver une règle simple, sans calcul compliqué de score en fin de partie, ou de petis points de règle inutiles.
Vous l'aurez donc compris, 1775 - La Révolution américaine est une franche réussite. On est loin des wargames aux milliers de jetons plein de chiffres jusque dans les coins. Ici, la présentation proche d'un jeu de plateau traditionnel avec une règle simple permet à merveille de découvrir les simulations historiques. Et il offre en plus l'avantage de parties toujours variées (notamment grâce à plusieurs ouvertures possibles) et dynamiques.
Par contre, il est évident que son thème guerrier et d'affrontement direct n'en fera pas un premier choix pour ceux qui jouent en couple (ces dames trouvant généralement un intérêt plus limité à ce type de jeu). Mais sa règle très accessible (au risque de me répéter) en fait un bon jeu pour jouer avec vos enfants (à partir de 10 ans à condition de les aider à bien mesurer la dimension stratégique de leurs actions).

Remarque 1 : J'en profite pour glisser un petit mot sur 1812 - L'invasion du Canada au passage, qui est un autre jeu dans la collection Birth of America. Il retrace la guere qui oppose en 1812 les Etats-Unis d'Amérique au Canada (encore contrôlé par les Britanniques). Le jeu reprend globalement le même système de règle, mais les quelques différences entre ces deux jeux suffisent à les rendre différents. Dans 1812, les Indiens sont du côté du Canada et devront être utilisés à bon escient pour mener quelques escarmouches en territoire américain par bateau. Les troupes en fuite reviennent en jeu loin du front, ce qui change complètement la dynamique du jeu par rapport à 1775 - La Révolution américaine. Enfin, même les combats n'ont pas la même physionomie, car l'initiative n'est pas attribuée au défenseur (mais au joueur qui possédait le territoire en début de partie).

Remarque 2 : Pour en savoir plus sur la Guerre d'Indépendance, je vous invite à écouter le podcast Temporium de Richard Fremder qui viendra agréablement compléter les trois pages d'informations historiques à la fin du livret de règles.