Cette semaine, je vous propose de découvrir un jeu de cartes uniquement pour deux joueurs, Migrato. C'est un jeu de Florent Toscano qui s'édite lui-même à travers sa maison d'édition Jeux Opla.
Je me méfie toujours des jeux auto-édités, car il leur manque souvent un regard externe qui aide souvent à la finalisation d'un jeu. Mais cette fois-ci, mes doutes ont été rapidement dissipés. Vous allez voir pourquoi.

Dans Migrato, les joueurs vont participer à la migration des oiseaux. Le but du jeu étant de marquer le plus de points possibles en faisant migrer différentes espèces. Pour cela, les joueurs disposent de trois cartes en main. Les cartes représentent les oiseaux parmi cinq espèces (bernache cravant, milan noir, échasse blanche, guêpier d'Europe et sarcelle d'hiver). Pour chaque espèce, il peut y avoir un nombre variable d'oiseaux dessinés sur la carte. La plupart du temps, à son tour de jeu, un joueur va jouer une carte de sa main pour la poser en jeu et former ce qu'on appelle une colonie. Une seule contrainte de pose : la carte jouée doit avoir un nombre égal ou inférieur d'oiseaux que la carte précédemment jouée (en gros, si j'ai 4 bernaches, je ne peux pas la poser sur une carte Bernaches de valeur 3 ou moins). Chaque colonie doit atteindre un nombre requis de cartes pour pouvoir migrer (et ainsi rapporter des points). Comme autres actions possibles, un joueur peut scinder une colonie en deux, ou au contraire réunir deux colonies (utiles quand on a joué des cartes de petites valeurs au départ). Important : un joueur ne peut pas avoir plus de quatre colonies, il va donc falloir gérer. Enfin, il existe également quelques cartes Danger qui permettent à un joueur de voler une carte jouée par l'adversaire et introduire ainsi une petite part d'interaction et de hasard bienvenu. Ajoutez à cela que certaines espèces voyagent la nuit, auquel cas le joueur joue sa carte face cachée. Ce qui ajoute une petite part de bluff dans le jeu. Enfin, à la fin de son tour, le joueur doit se défausser d'une carte et en piocher pour avoir de nouveau trois cartes en main.
Quand un joueur a fait migrer une espèce, il ne peut plus jouer de carte de cette espèce. Et quand, entre les deux joueurs, les cinq espèces ont migré au moins une fois,la partie s'arrête et on compte les points. Le calcul du score final est simple : chaque colonie qui a migré rapporte un nombre de points égal à la plus petite valeur jouée dans cette colonie. Le joueur qui totalise le plus de points gagne la partie.

A la lecture des règles, vous aurez tout de suite remarqué que celles-ci sont très simples. Tant mieux, cela permet des parties très rapides qu'on aura tendance à enchaîner. Si le nombre d'actions disponibles est faible, les choix par contre sont nombreux et permanents. Ce phénomène est renforcé par l'obligation de défausser une carte à la fin de son tour. C'est sans doute le point le plus intéressant du jeu, et ce qui lui donne cette dynamique (à chaque tour, on renouvelle quasiment toute sa main). Autre point important, l'interaction n'est pas cantonnée aux cartes Danger. Elle est en fait permanente notamment à travers la condition de fin de partie qui fait qu'il faut toujours surveiller son adversaire et voir si on peut faire mieux que lui ou au contraire tenter d'accélérer la fin de partie, parce qu'on a l'avantage des points.
Au niveau de la réalisation, c'est parfait. Les illustrations des cartes par Bony sont réussies, et les cartes sont de bonne qualité. Quant à la règle elle est bien écrite et sans ambiguïté. Ça n'a l'air de rien, mais encore une fois, ce n'est pas systématique dans les jeux auto-édités.

En conclusion, Migrato est une petite réussite. Les excellents jeux de cartes pour deux ne sont pas légions, mais voici une petite boîte à ranger près de Jaipur et Schotten-Totten sans hésiter. Comme eux, Migrato propose des parties rapides mais prenantes aux choix permanents. Et pour couronner le tout, la réalisation est à la hauteur. C'est un sans faute pour moi. Bravo à l'auteur-éditeur !

Note : L'auteur a une fibre écologique assez développée et il a donc souhaité donner une orientation éco-responsable à ses éditions de jeux. Cela se retrouve dans ses thèmes, mais aussi dans la conception des jeux qui est entièrement réalisée en France (moins d'impact sur les émissions de CO2 pour le transport, et ça fait marcher des entreprises de chez nous). Jusque là, c'est une démarche appréciable. Mais il ne s'est pas arrêté là. En effet, on retrouve également dans ses livrets de règles un petit discours en rapport avec le thème du jeu. Par exemple dans Migrato, on trouve également une présentation des différentes espèces d'oiseaux représentées dans le jeu, relu par un ornithologue, et un petit tract pour présenter la Ligue Protectrice des Oiseaux.