Plusieurs jeux d'urbanisme sont sortis l'an dernier, dont Suburbia. C'est un jeu de Ted Alspach qui m'avait déjà fait de l'oeil à Essen, mais ses textes en anglais écrits petits et son look un peu old-school m'avaient freiné. Le jeu a eu de bons retours et j'avais un peu regretté mon choix. Heureusement, Ystari vient de sortir une version française, ce qui m'a permis de mettre la main dessus.

Dans Suburbia les joueurs participent à la construction d'une ville. Pour cela, ils vont chacun leur tour acquérir des bâtiments qui leur apporteront revenus et réputation. A l'image du jeu vidéo Sim City, ils sont classés selon leur type : résidentiel, industriel, commercial ou administratifs. Les différents bâtiments ont bien évidemment des effets sur ceux alentours, mais ils peuvent aussi impacter ceux des autres joueurs.
Un système de réputation permet à la ville de croître progressivement en population. Et c'est le joueur qui a la plus grande population qui gagne la partie.
A noter l'ajout en plus d'objectifs (le joueur qui a le plus de bâtiments commerciaux, le moins de bâtiments administratifs...) qui rapportent un nombre non négligeable de points de victoire, et qui permettent ainsi de renouveler les parties.

Si vous avez déjà joué à Sim City, vous serez ravi d'en retrouver quelques uns des concepts. Le thème est présent et on sent que le jeu a été développé autour. Le principe des interactions entre les bâtiments est intéressant et amène les joueurs à bien penser leur ville. Mais, cela a pour conséquence de devoir vérifier à chaque tour sur tous les tableaux les effets du nouveau bâtiment construit, ce qui est fastidieux. A tel point qu'au bout d'un moment les joueurs ne le font plus toujours, et se rendent compte quelques tours plus tard qu'ils ont oublié d'appliquer tel ou tel effet. Et puis, dans la mesure où il est impossible de connaître les bâtiments qui arriveront une dizaine de tours plus tard, les joueurs font parfois des paris sur le placement en espérant qu'un bâtiment particulier arrive (ce qui n'est pas toujours le cas, surtout à deux où on ne joue qu'avec la moitié des tuiles).
Au niveau de la version française, on regrettera une règle du jeu mal relue (fautes, incohérence dans les noms de certains bâtiments entre la règle et leur nom sur la tuile, erreur sur l'aide de jeu), mais surtout une réalisation passable : graphismes ternes, plateau de score... Ceci dit, le jeu étant dans la gamme Ystari Plus, l'éditeur annonce tout de suite la couleur (cette collection se contente de traduire des jeux étrangers). Et puis s'il avait fallu reprendre tous les graphismes, le jeu ne serait sorti que dans un an, au mieux.
L'inconvénient d'un jeu avec une "rivière" (pour reprendre un terme tout droit venu du poker), c'est qu'il complique l'anticipation des actions de son tour de jeu. Dans un jeu comme Manhattan Project, cela est peu génant car ça ne concerne qu'un type d'actions parmi tant d'autres. Mais dans Suburbia, c'est la base du tour de jeu d'un joueur. Du coup, cela a une influence négative sur la durée du tour d'un joueur, et cela est renforcé avec les nombreux calculs qui en découlent. Résultat : le jeu est bien trop long à mon goût à quatre joueurs. A deux joueurs, ce défaut s'estompe, et c'est tant mieux (au détriment de l'interaction). On est plus concentré sur son tableau, et on prend des décisions plus rapidement, ce qui permet de mener une partie en moins de 45 minutes. Par contre, à deux, il n'y a que deux objectifs publics, ce qui limite les alternatives de développement. Chez nous, nous avons du coup pris le parti de toujours en mettre quatre, pour plus de diversité dans les choix.
Autre petit défaut du jeu, son fonctionnement n'autorise pas de faire d'erreur dans les premiers tours : concentrez-vous sur des bâtiments qui génèrent des revenus, car sinon vous serez largués toute la partie. Pour la suite, sans pouvoir vraiment parler de stratégie, il existe effectivement plusieurs axes en cours de partie, mais qui dépendent complètement du hasard de l'arrivée des tuiles. Bref, il faudra surtout être opportuniste, et toujours en garder sous le pied (notamment de l'argent).

Le thème est bien rendu, et les mécanismes sont malins. C'est sans doute ce qui fait que Suburbia est tant plébiscité. Personnellement, je le trouve maladroit sur trop d'aspects (longueurs à quatre joueurs, répétitif, hasard non négligeable à deux joueurs) pour réellement me donner envie d'y revenir. Mais Madame JeuxADeux aime bien ce genre de jeu, alors...